Par un jugement rendu le 24 mars 2021 [1], le Tribunal administratif a confirmé une décision rendue par le Président du Conseil de la concurrence (ci-après le « Président ») rejetant une demande de mesures conservatoires sollicitée à l’encontre de la société Amazon Services Europe S.à r.l. [2]
Cette demande de mesures conservatoires s’inscrit dans le cadre d’une procédure au fond initiée sur le fondement des articles prohibant les abus de position dominante [3]
Le Tribunal administratif rappelle ainsi que quatre conditions cumulatives doivent être réunies afin de prononcer l’octroi de mesures conservatoires :
Une procédure au fond doit avoir été initiée ;
Une demande de mesures conservatoires doit avoir été présentée ;
Une violation prima facie du droit de la concurrence doit être constatée ; et
La pratique dénoncée doit porter une atteinte grave et irréparable à l’ordre public économique ou au plaignant.
En ce qui concerne la quatrième condition, le Tribunal administratif est venu préciser que « l’atteinte requise peut soit porter sur l’ordre public économique, soit sur la situation du demandeur lui-même, alors que les critères de la gravité de l’atteinte, de son caractère irréparable, de même que de l’existence nécessaire d’un lien de causalité entre la pratique dénoncée et l’atteinte invoquée sont des critères cumulatifs » [4].
Ce jugement vient ainsi confirmer la difficile obtention de mesures conservatoires sous l’empire de la loi du 23 octobre 2011 relative à la concurrence en raison de la difficulté à remplir les quatre conditions cumulatives susmentionnées.
Il est ainsi à espérer que le projet de loi n° 7479, portant organisation de l’Autorité nationale de la concurrence et abrogeant la loi du 23 octobre 2011 relative à la concurrence, sera amendé afin d’insérer des conditions moins restrictives et ainsi rendre toute son efficacité aux mesures conservatoires en droit de la concurrence.
Enfin, dans sa décision rendue le 3 juillet 2019, le Conseil de la concurrence s’était rallié aux critères mis en œuvre par l’Autorité de la concurrence française afin de caractériser une situation de dépendance économique « bien que la notion d’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique ne soit pas directement transposable en droit luxembourgeois » [5]. Il conviendrait ainsi d’introduire également cette notion de dépendance économique au sein du droit de la concurrence luxembourgeois.
[1] Jugement du Tribunal administratif, 1re chambre, 24 mars 2021, n° 43612 du rôle.
[2] Décision du Président du Conseil de la concurrence, 3 juillet 2019, Amazon Services Europe S.à r.l., 2019-MC-01.
[3] Article 5 de la loi du 23 octobre 2011 relative à la concurrence, article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[4] Jugement du Tribunal administratif, 1re chambre, 24 mars 2021, n° 43612 du rôle, page 22.
[5] Décision du Président du Conseil de la concurrence, 3 juillet 2019, Amazon Services Europe S.à r.l., 2019-MC-01, point 28.
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